Les Américains évoquent un mystérieux Egyptien, Abou al-Masri, qui remplacerait Abou Moussab al-Zarqaoui à la tête d'al-Qaida en Irak.
Forts de leur succès après l'élimination du chef terroriste Zarqaoui, le gouvernement irakien et l'armée américaine affichaient hier leur détermination à traquer les autres membres du groupe al-Qaida en Irak. La circulation était interdite hier à Bagdad, par crainte d'une riposte violente d'al-Qaida, mais aucune attaque sérieuse n'a eu lieu à Bagdad. Le premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, s'est dit optimiste quant à la capacité des forces de sécurité à venir à bout de la violence. Le porte-parole de l'armée américaine a indiqué qu'un «trésor d'informations» avait été récolté dans le bâtiment où se cachait Zarqaoui, près de Baquba, à 60 km au nord de Bagdad. Selon lui, Zarqaoui a survécu quelques instants à l'attaque aérienne américaine, mais il est mort juste après de ses blessures.
L'IMPACT de la liquidation d'Abou Moussab al-Zarqaoui se fera davantage sentir sur la mouvance irakienne d'al-Qaida que sur le reste de la guérilla, dont le Jordanien ne représentait qu'une petite fraction. D'où l'urgence, pour les djihadistes, de trouver un successeur au représentant d'Oussama Ben Laden dans l'ancienne Mésopotamie. Selon les Américains, il s'agirait d'un mystérieux Abou al-Masri («le père de l'Egyptien», en arabe), qui serait arrivé en 2002 en Irak.
Ce nom est inconnu de la plupart des spécialistes. Hier matin, «aucun communiqué sur les sites islamistes proches d'al-Qaida ne parlait d'Abou al-Masri», relevait le chercheur français Dominique Thomas.
Un autre nom est avancé par les observateurs de la mouvance salafiste, celui d'Abou Abdelhraman al-Iraqi, le vice-émir d'al-Qaida en Irak, auquel la plupart des groupes liés à Zarqaoui auraient déjà prêté allégeance. S'il se confirmait, le choix de cet Irakien prolongerait la volonté de Zarqaoui d'«irakiser» son combat, pour mieux le péréniser.
Parmi les autres noms cités figure celui d'Abou Abdallah al-Rachid al-Bagdadi, Irakien lui aussi et émir de la choura, le Conseil consultatif de plusieurs groupes armés, dont al-Qaida. Autre inconnue du dossier : le successeur de Zarqaoui sera-t-il, comme ce dernier l'avait été, adoubé publiquement par Oussama Ben Laden ou son adjoint, Ayman al-Zawahiri ?
Après la liquidation de Zarqaoui, Américains et djihadistes ont tout intérêt à se livrer une guerre de propagande. «En avançant un fantomatique Egyptien, explique Dominique Thomas, il peut s'agir d'un leurre destiné à montrer que les fanatiques du monde arabe doivent continuer d'affluer en Irak, ce qui permettrait aux Américains de maintenir leur combat contre le djihad mondial.»
Dans l'immédiat, une chose paraît acquise : al-Qaida va avoir à coeur de montrer que ses actions terroristes à la voiture piégée vont se poursuivre. «Les moudjahidins vont rester financés par l'étranger», reconnaît un journaliste irakien à Bagdad. Fin 2004, l'adoubement de Zarqaoui par Ben Laden lui avait en effet ouvert les finances du réseau terroriste.
Les ferments de la violence subsistent dans le pays
Sur le terrain, la disparition de Zarqaoui risque de durcir les relations avec les autres composantes de la guérilla, les anciens baasistes et tous les malfrats que Saddam Hussein avait intentionnellement libérés, fin 2002, dans la perspective d'une attaque américaine. Hier déjà, selon des médias arabes, des ex-baasistes de Faludja auraient lancé des représailles contre des pro-Zarqaoui, qui s'en étaient pris à la sépulture d'un dignitaire religieux en début de semaine. Mais pour Hosham Dawod, anthropologue irakien au CNRS français, l'heure n'est pas encore venue d'un divorce entre les ex-saddamistes et la mouvance djihadiste.
«Beaucoup d'anciens militaires de Saddam pensent qu'il est encore trop tôt pour entrer dans le processus politique, ils préfèrent attendre six mois ou un an et voir ce que fera le nouveau gouvernement Maliki.» Faute d'avancée sur un calendrier de retrait des forces étrangères d'Irak, les partisans les plus radicaux de l'ancien dictateur pourraient encore utiliser le «label» djihadiste pour masquer certains de leurs attentats.
Comme l'ont montré les 35 morts relevés avant-hier au lendemain de la liquidation de Zarqaoui, les ferments de la violence subsistent en Irak. «L'avenir proche dira si Zarqaoui était aussi important que les Américains le prétendaient», poursuit Hosham Dawod. La situation à Baquba, où il a été éliminé, pourrait en être un premier indicateur. «Ce n'est pas parce que Zarqaoui s'y était réfugié que cette province était très dangereuse, constate l'universitaire américain Juan Cole, mais parce qu'il s'agit d'une zone mixte sunnite-chiite-kurde et qu'elle abrite de nombreux dépôts d'armes de l'époque du Baas».
Sam 10 Juin - 10:02
. C'est bien à 15 ans. 
